Ph d’un produit d’hygiène intime

Depuis de nombreuses années, un des arguments principaux de promotion des produits d’hygiène intime est le respect du pH physiologique de la zone intime, nécessaire au bon équilibre de l’écosystème vaginal.
S’agit-il d’un argument réellement fondé ?

Quelle est la valeur du pH vaginal ?
Le pH de la cavité vaginale varie en fonction de l’endroit où il est mesuré, du cycle menstruel, du statut hormonal de la femme(1) et de situations physiologiques (grossesse) ou pathologiques (infections).
Le pH vaginal, mesuré sur les parois latérales du vagin ou dans le cul-de-sac antérieur, est relativement acide puisqu’il varie entre 4 et 5,5. Il est plus acide en fin de cycle et moins acide en période ovulatoire. Au niveau cervical, s’il demeure toujours acide, le pH est néanmoins plus élevé : 5,5 en période préovulatoire, 7 en période ovulatoire (l’acidité excessive nuit à la fécondance du sperme) et 6,1 en période post-ovulatoire.

Pourquoi doit-il rester acide ?
L’acidité de la cavité vaginale permet de limiter la croissance microbienne, excepté pour les germes acido-résistants comme les lactobacilles (ce qui ne signifie nullement
que les lactobacilles ne se développent qu’en milieu acide…).

Il doit toutefois être noté que le maintien de l’acidité vaginale n’est pas le seul mécanisme de protection vis-à-vis des infections.
Des études récentes ont montré que, plus que l’acidification du milieu, ce sont la sécrétion de peroxyde d’hydrogène par les lactobacilles et la compétition qui les oppose aux pathogènes pour se fixer sur les cellules vaginales qui protègent la cavité vaginale des infections (2). L’illustration concrète de cette observation
est le cas de la femme ménopausée sans traitement hormonal substitutif dont le pH vaginal est plus élevé que celui de la femme non ménopausée (pH > 5) et qui
ne développe pas nécessairement plus d’infections vaginales.

Le pH vaginal est-il influencé par le pH d’un produit d’hygiène ?
Ni le mécanisme cellulaire, ni le mécanisme de sécrétion lactique ne semblent pouvoir être influencés par des modifications du pH extérieur dues à l’application d’un produit d’hygiène intime.
Bien plus, dans une étude récente portant sur 81 femmes, Melvin et al. ont montré que l’utilisation de tampons vaginaux
imprégnés d’un gel acide (pH entre 3,8 et 4,2) ne permettait pas de modifier le pH vaginal (8). Si une application directe dans la cavité vaginale d’une substance à pH différent du pH vaginal physiologique échoue à influencer le pH vaginal, comment le pH d’une substance externe pourrait-elle modifier le pH vaginal ?

L’étude de l’équipe INSERM de C. Neut (6) confirme cette hypothèse puisque l’utilisation quotidienne, pendant 2 mois, d’un produit d’hygiène à pH légèrement
alcalin n’a modifié ni le pH vestibulaire, ni le pH vaginal, ni les compositions des flores vaginale et vestibulaire des 16 patientes incluses dans l’étude.
Le produit d’hygiène intime n’a donc pas d’action directe, par son pH, sur le pH vaginal.

Le produit d’hygiène intime est utilisé directement sur la vulve et les régions périnéale et péri-anale. Son pH peut-il avoir une influence sur l’équilibre de ces zones ?
Dans ces zones, le pH varie beaucoup :
• entre 6 et 7 voire plus dans les zones cutanées ;
• jusqu’à 4,8 dans la zone vestibulaire.
Il n’y a donc pas un pH physiologique de cette région mais une palette étendue de pH correspondant aux diverses zones anatomiques.
• Dans le cas d’une utilisation quotidienne du produit d’hygiène, devront être privilégiés des produits avec un pH acide (pH 4,5) à alcalin (jusqu’à pH 8/9), avec une prudence concernant les valeurs les plus acides en cas de terrain à tendance mycosique.
Au delà de ces valeurs, le pH pourra être facteur d’agression pour la peau et les muqueuses et, le cas échéant, favoriser les infections.
• Dans le cas particulier de candidoses externes (et non pas vaginales), la recommandation sera différente. En effet, Candida spp se développe plus aisément (mais
pas exclusivement) en milieu acide. Un produit d’hygiène intime avec un pH alcalin contribuera donc à limiter la croissance de cette levure et apportera ainsi une protection microbiologique.

Les objectifs de l’utilisation régulière d’un produit d’hygiène intime sont le confort génital de la femme et, dans une certaine mesure, la protection de l’écosystème vaginal.
• Le pH d’un produit d’hygiène intime n’a aucune influence sur l’écosystème vestibulo-vaginal car il a été montré que celui-ci était maintenu par des mécanismes spécifiques, indépendants de tout pH externe. L’utilisation externe du produit est un gage supplémentaire de non influence sur la zone vaginale.
• La solution d’hygiène intime ne doit pas, en revanche, contenir de substances agressives (antiseptiques) pour les lactobacilles vestibulaires qui contribuent à maintenir l’équilibre du pH vaginal.
• Au niveau externe (zone vulvaire et péri-anale), deux situations doivent être distinguées :

– au quotidien, le pH peut se situer dans une fourchette allant de 4,5 à 8/9, sans risque de perturbation de la flore locale
– en cas de candidose, un pH légèrement alcalin contribuera à limiter la croissance de la candidose, celle-ci se développant plus aisément en milieu acide
Au total, en ce qui concerne l’équilibre physiologique de la zone intime, le pH d’un produit d’hygiène intime apparaît donc d’un intérêt limité (sauf cas particulier des mycoses externes) comparé à sa composition, en particulier à l’existence ou non de substances délétères pour les lactobacilles vestibulaires.

Source : Dr Jean-Marc BOHBOT
Extrait d’un dossier de presse du groupe Iprad – Saforelle

Bibliographie
(1) Caillouette JC, Sharp CF Jr, Zimmerman GJ, Roy S. Vaginal pH
1997 Jun
(2) Fabrice Atassi, Dominique Brassart, Philipp Grob, Federico
Graf, Alain L. Servin. (2007)
(3) Gorodeski GI. 2005 Nov-Dec;12(6):679-84
(4) Gorodeski GI, Hopfer U, Liu CC, Margles E.
2005 Feb;146(2):816-24
(5) Antonio MA, Rabe LK, Hillier SL. 2005 Aug 1;192(3):394-8
(6) Neut C. SAFO : les résultats. Etude INSERM Lille 2003. Rev du
Part Gynecol et Obstet 2004 N° 82 et 83.
(7) Rönnqvist PD, Forsgren-Brusk UB, Grahn-Håkansson EE
2006;85(6):726-35.
(8) Melvin L, Glasier A, Elton R, Cameron ST. BJOG. 2008
Apr;115(5):639-45. Erratum in: BJOG. 2008 Jul;115(8):1069.